Accessibility Tools

Ce week-end, c'est Safari ! C'est qu'on les guette ces week-ends du Club. Voilà l'occasion de varier les plaisirs, de découvrir de nouveaux endroits ou de retourner là où la dernière fois on a vu un requin tigre ou des baleines sauter ou l’ombre d’un requin marteau … Cette fois, c'est la corne de Ténia.

Comme toujours Thierry, le grand organisateur, nous promet du gros. Cela fait partie de son job. Les habitués n'y prêtent plus qu'une oreille distraite. Mais quand même, sait-on jamais ? A Ténia il y aurait selon lui un albi marginatus sur la «crête». Malheureusement à chaque fois la chance me fuit. Je n'ai toujours pas réussi à l’entre apercevoir et cela m'énerve prodigieusement. Surtout quand d'autres que moi l'ont vu.

« Albi maginatus, encore un de ces noms latin incompréhensible sauf pour les initiés. » j'entends d'ici bougonner. C'est un requin, bien sûr. Il serait un peu plus grand que le requin gris, celui que l'on voit dans les passes presque à chaque plongée, parfois en banc de plus de 50 individus. Il lui ressemble beaucoup. Mais la bordure blanche de sa nageoire dorsale et de sa queue le distingue immédiatement du gris qui, comme chacun sait, à la queue bordée de noir. Et il est rare de l'observer !

Première tentative Samedi. Rien. A peine deux gris entraperçus de loin. Quelle poisse ! Est ce l'absence de courant ? Peut-être. Heureusement, le temps est au beau fixe, la mer lisse comme un miroir, les camarades du club sympathiques et les heures passent agréablement jusqu'à l'apéritif et le crabe mayonnaise qui clôturent une journée de farniente sur le caillou.

Et puis, nous n'avons pas perdu notre temps. On a réussi à marquer le sommet du mamelon qui précède la crête et son point haut. Elle est très impressionnante, cette crête. A quelques longues minutes de nage du récif, elle serait parallèle à ce dernier. C'est un plaisir de la suivre, car elle est très étroite, ses flancs sont verticaux. Sur son côté extérieur, on distingue à peine le fond et sur le côté intérieur, elle a bien trente mètres de hauteur quand même. 

Dimanche est un autre jour, avec plus de courant cette fois nous promet-on. Les conditions de mer étant parfaite, Thierry propose de nous lâcher au dessus du mamelon. En fait, cela veut dire une descente dans le bleu, car le sommet du mamelon est à moins 34 mètres. Son atavisme d'ancien parachutiste le pousse à nous larguer en une seule grappe. J'ai promis à mes binômes de ne pas descendre comme une pierre suivant mon habitude, pour leur laisser le temps de suivre. Ils ont le rhume et me paraissent bien méritant d'entreprendre une telle descente.

Sauf qu'à peine quelques mètres sous l'eau, je distingue plusieurs ombres tourner juste au dessous. La curiosité est trop forte. Impossible de résister, je fonce droit vers le fond. Des requins gris ! Ils sont presque une dizaine. Sans doute attirés par tout le boucan de ces plongeurs parachutistes. Et parmi eux, oui, c'est l'Albi Marginatus. Impossible de se tromper avec ses liserés blancs. C'est aussi le plus inquisiteur. A curieux, curieux et demi !

Nos amis requins finissent par se lasser et nous abandonner. Alors nous sondons vers les 60 mètres. L'eau est très claire, et il y a vraiment du fond. On n'en voit pas la fin. Il ne faut pas s'attarder, aussi nous remontons vers le mamelon, puis vers la crête que nous grimpons rapidement pour ne pas trop charger les paliers. Arrivés au sommet, nous retrouvons tous nos amis. Les autres plongeurs et les requins.

Nous sommes tous agrippés aux coraux et les requins à quelques mètres nagent dans le courant sans effort. Ils s'éloignent dans un sens puis reviennent. Je décide de palmer droit dans le courant pour tenter de me mettre à leur niveau et rejoindre mon Albi. Mais nous ne sommes pas des requins et le courant finit par nous entraîner. Alors nous sondons pour les observer par en dessous, en contre jour. Cela a de la gueule une silhouette de requin dans le soleil. Croyez-moi.

Nous nous laissons prendre par le courant sur une trentaine de mètre sur le côté extérieur de la crête que nous finissons par rejoindre. Je décide de remonter par le côté intérieur et là surprise. Un contre courant me porte vers le sommet. Il suffit de se coller à la paroi et sans un coup de palme, nous voilà de nouveau au point haut de la crête avec nos amis les requins. C'est tellement surprenant que je décide de refaire un tour pour vérifier. Aucun doute : côté extérieur, courant sortant et côté intérieur, courant rentrant ! Un véritable ascenseur.  

Et toujours au sommet de la crête, mon ami l’albi qui semble me dire : « tu vois, cela ne sert à rien de palmer, il suffit d’être un peu hydrodynamique et voler avec les courants »

AlbiMarginatus

Albi marginatus (Photo : Nicolas Marquet)