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29 Mars 2024

C’est la plongée de Noël aujourd’hui. Stéphanie a mis des autocollants de sapin de Noël et de bonhommes de neige et ajouté quelques guirlandes sur les zodiacs. Quelques camarades plongeurs ont campé un bonnet rouge à pompons blancs sur leur tête. Et nous voilà partis pour la passe de Boulari à fond de train, sautant de vague en vague et régulièrement arrosés d’embruns. Peu importe, il fait grand soleil et l’eau est chaude. Et nous sommes en route pour plonger.


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« Oui, on a fini la bûche, vous en vouliez ? »


Beaucoup de baptêmes aujourd’hui, Thierry décide de larguer les niveaux 3, c'est-à-dire Pascal et moi, à l’extérieur de la passe. Le courant est rentrant, nous avons chacun nos parachutes, à nous de nous débrouiller pendant qu’il s’occupe des futurs nouveaux plongeurs. Nous voilà donc partis pour notre dérivante.
Au départ pas grand-chose de notable, l’eau est un peu trouble. Un nuage de méduses inoffensives entre la surface et dix mètres, des bancs de chirurgiens en quantité qui semblent se régaler eux, mais quant à nous pas grand-chose à nous mettre sous la dent. Nos amis les requins ont disparu ou se font des plus discrets. Alors toujours en pleine eau dans le courant, j’entame le virage à gauche dans la passe en tentant de viser la petite colline du milieu, bien nommée « secret ». Enfin, je l’aperçois. Et aussi quelques requins. Mais ils sont moins d’une poignée, et ma foi, je commence à douter du Père Noël.
Mon binôme Pascal, réputé pour sa très grande capacité pulmonaire me signale sa demi-bouteille malgré son cylindre 300 bars. Nous entamons donc la remontée vers la fameuse patate Manta. Et là, enfin les premiers cadeaux prennent la forme de trois raies Manta. Je me lance dans mon petit jeu favori qui consiste à les rattraper à la nage. Elles viennent à cet endroit pour profiter de la multitude de petits poissons qui se font un régal de leurs nombreux parasites. Nageant très lentement à contre courant, elles paraissent presque immobiles. Ce n’est hélas qu’une impression comme je m’en aperçois. Heureusement, j’ai de grandes palmes, comme disent mes camarades.
Pour les approcher de très près, il faut arriver dans leur dos, par en dessus, et si possible sans respirer. Ceci est d’ailleurs vrai pour tout type de raie ou de requin. Et c’est d’ailleurs la méthode que les requins utilisent eux même pour s’approcher de vous sans que vous vous en rendiez compte. Mais par rapport à nous, ils ont l’avantage d’avoir des nageoires bien plus efficaces que des palmes même grandes et de respirer sans bruit ...


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Chut ! Elle ne s’est rendue compte de rien


Enfin, avec un peu de pratique et une bonne inspiration, vous pouvez arriver près, si près à pouvoir toucher la raie Manta, attraper d’un geste vif les juvéniles de carangue speciosus jaune vif tigrés de noir qui devancent sa bouche ou les labres nettoyeurs bleu rayés de noir qui préfèrent sa queue. Je remarque à droite de la tête de la plus grosse des Manta une entaille de près de cinq centimètres de profondeur : trace d’une ligne de nylon ou d’un filet ? C’est vrai, il y a de la magie à accompagner l’espace de quelques instants ces majestueux vaisseaux océaniques. Que dire quand ils sont trois en formation, l’un derrière l’autre, et que vous complétez l’escadrille l’espace de quelques minutes trop vite envolées.


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Juvénile de caranx speciosus


Voilà, elles sont déjà parties sans même s’être rendu compte de votre présence et de vos pitoyables efforts pour les suivre. Il ne vous reste plus qu’à en rêver la nuit et y retourner le week-end suivant pour tenter une nouvelle fois votre chance.
Après une dizaine de minutes de palmage effréné, le manomètre vous ramène durement à la réalité. La fête est finie. Pascal envoie son parachute et nous voilà de nouveau en surface, sous le soleil ballotés par la houle, des Mantas plein les yeux. Nous en profitons entre deux vagues pour raconter notre petite aventure tout en observant le zodiac jaune toujours à la bouée à un mile de là. Rien ne semble bouger alors nous prenons notre mal en patience.
C’est alors que je remarque à dix mètres de nous une tâche marron juste sous la surface. Sûrement une tortue, enfin c’est la réflexion que je me fais. Et puis je la trouve bien grosse et comme aucune tête curieuse de tortue ne crève la surface, je remets mon masque pour jeter un œil par en dessous sur cette tâche qui se rapproche. Un dugong ! Incroyable, c’est le premier que je vois en entier depuis que je suis arrivé. D’habitude on ne voit qu’un bout de museau ou alors avec de la chance une queue en croissant qui signale la disparition de l’animal en plongée. Et jamais dans une passe !


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Un dugong, ou vache de mer



Mais là, l’animal est juste là, à trois mètres de nous, de côté en train de nous regarder d’un œil. Je distingue de nombreuses cicatrices sur son dos, des traces d’hélices ? Et deux gros rémoras qui lui tiennent compagnie. Il nous contourne lentement puis disparait comme il est venu. Ah, oui, je crois au Père Noël !