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En attendant d'avoir le récit et les photos de la soirée cuisine avec dégustation du résultat (of course) concoctée par Jean-Michel, voici l'histoire de la bouillabaisse marseillaise tirée de l'histoire des recettes de Provence par Simone Martin Villevieille

Bouil-abaïsse à la Marseillaise

Jetez dans une casserole un peu d'oignon haché, avec un peu d'huile, passez un moment sur le feu.

Coupez ensuite en tranches du poisson de mer tel que la moraine (murène ?), la rascasse, le loup, le merlan, la langouste, placez-en les tranches dans la casserole, en y joignant un peu de persil et d'ail bien hachés, une tranche de citron, une pomme d'amour coupée à morceaux dont vous aurez extrait l'eau et les graines, assaisonnez le tout avec du sel, du poivre et un peu de safran en poudre ; arrosez-le avec de la bonne huile et le mouillez ensuite avec un verre de vin blanc sec, mêlé à du bouillon de poisson fait avec les têtes de ceux dont vous faites la bouil-abaïsse, si vous n'en avez pas d'autres ; le mouillement doit recouvrir absolument le poisson. Vous le ferez partir à un feu d'enfer. Lorsqu'il sera réduit aux trois quarts, vous le verserez dans un plat creux dans lequel vous aurez déjà rangé des tranches de pain un peu épaisses. Le poisson doit être servi à part.

Comment comprendre le chemin parcouru entre le moment où millin aurait découvert la bouillabaisse à Martigues et celui où Marseille s'en empare et où Alexandre dumas la porte aux nues ?

La seule explication est sans doute la découverte du tourisme régional. Combien de curieux, d'artistes et d'hommes de lettres s'élanceront alors pour déguster, à leur tour, des clovisses et de la bouillabaisse ? Une cinquantaine d'années après que Lord smol-lett ait fait le succès de Nice de nouveaux voyageurs affluent et découvrent, émer­veillés, la beauté de la mer et de Marseille : un excellent dîner nous est servi dans une salle d'où l'œil s'égare de tous côtés sur la mer. Les clovisses, les oursins, la bouilla­baisse, la tourte de poissons sortant de l'onde et plongés vivants dans des vases meur­triers, couvrent la table. L'air de la mer donne un appétit dévorant. Nous nous arra­chons les morceaux... ( pigault-lebrun) Je suis à Marseille, écrit Gustave flaubert le 12 avril 1858, la mer est bleue, je me bourre de bouillabaisse !

Le Paris-Lyon-Marseille, le fameux P.L.M., ouvrira en 1859 la voie de la bouilla­baisse à tous les Prud'hommes et les Perrichons. Le succès est tel qu'il nécessite déjà des mises en garde. Fuyez la bouille-abaisse à soixante centimes, lance Joseph méry Allez au Château-Vert, commandez un repas, dites : « Je veux du bon et ne mar­chande pas : envoyez le plongeur sous ces roches marines dont le divin parfum réjouit mes narines ».

 

La bouillabaisse, professe le Dr raoulx, se prépare sur tout le littoral méditer­ranéen de la France, on peut dire qu'il y a presque autant de variantes à ce plat que de golfes, criques ou calanques le long de notre rivage et chaque propriétaire de cabanon proclame préparer, lui seul, la bouillabaisse authentique. L'assaisonnement et quelques composants peuvent varier, mais tout le monde s'accorde sur le principe de la cuisson qui est l'ébullition violente, le récipient étant enveloppé par les flammes du feu de bois, ou enfoncé dans le trou du fourneau.

Doit-on mettre des pommes de terre dans la bouillabaisse ? Non pour les Marseillais, si pour les Toulonnais, répond le Dr raoulx. La bouillabaisse que mangent les pêcheurs sur la fauco comprend des pommes de terre pour étoffer le plat et garnir l'es­tomac. Ainsi, les amateurs se divisent en 2 camps, dont la frontière sépare du nord au sud le golfe de Tauroentum, comme la bataille de Pompée contre César... Aux salins d'Hyères et de Camargue, où abondent le poisson blanc et les anguilles, poursuit notre auteur, on mêle dans la bouillabaisse mulet, maquereau, anguilles avec oignons, fèves fraîches, pois frais, mais pas de tomate ni de pommes de terre.

A Paris, hélas, écrit un culinographe de la fin du XIXe siècle, Paul alexis, on est obligé de remplacer les favouilles (petits crabes) par des moules, les rascasses et les canadellespar une modeste langouste, et ainsi de suite...

Ce texte permet de lever l'ambiguïté que soulève l'inclusion de la langouste dans la bouillabaisse, objet de discussions récentes ; sans doute a-t-on oublié que celle-ci était peu appréciée autrefois et, souvent laissée pour compte. Elle était abandonnée aux pêcheurs qui la mettaient dans leur soupe.12 On tenta de remplacer la langouste par des cigales de mer (scyllarus arctus, chambri en provençal) petit crustacé médi­terranéen qui tient de la cigale par la forme de la tête et dont la chair est considérée par les Provençaux comme plus fine que la langouste elle-même. Las ! elle a disparu à son tour.

Comment comprendre le chemin parcouru entre le moment où millin aurait découvert la bouillabaisse à Martigues et celui où Marseille s'en empare et où Alexandre dumas la porte aux nues ?

La seule explication est sans doute la découverte du tourisme régional. Combien de curieux, d'artistes et d'hommes de lettres s'élanceront alors pour déguster, à leur tour, des clovisses et de la bouillabaisse ? Une cinquantaine d'années après que Lord smol-lett ait fait le succès de Nice de nouveaux voyageurs affluent et découvrent, émer­veillés, la beauté de la mer et de Marseille : un excellent dîner nous est servi dans une salle d'où l'œil s'égare de tous côtés sur la mer. Les clovisses, les oursins, la bouilla­baisse, la tourte de poissons sortant de l'onde et plongés vivants dans des vases meur­triers, couvrent la table. L'air de la mer donne un appétit dévorant. Nous nous arra­chons les morceaux... ( pigault-lebrun) Je suis à Marseille, écrit Gustave flaubert le 12 avril 1858, la mer est bleue, je me bourre de bouillabaisse !

Le Paris-Lyon-Marseille, le fameux P.L.M., ouvrira en 1859 la voie de la bouilla­baisse à tous les Prud'hommes et les Perrichons. Le succès est tel qu'il nécessite déjà des mises en garde. Fuyez la bouille-abaisse à soixante centimes, lance Joseph méry Allez au Château-Vert, commandez un repas, dites : « Je veux du bon et ne mar­chande pas : envoyez le plongeur sous ces roches marines dont le divin parfum réjouit mes narines ».

La bouillabaisse, professe le Dr raoulx, se prépare sur tout le littoral méditer­ranéen de la France, on peut dire qu'il y a presque autant de variantes à ce plat que de golfes, criques ou calanques le long de notre rivage et chaque propriétaire de cabanon proclame préparer, lui seul, la bouillabaisse authentique. L'assaisonnement et quelques composants peuvent varier, mais tout le monde s'accorde sur le principe de la cuisson qui est l'ébullition violente, le récipient étant enveloppé par les flammes du feu de bois, ou enfoncé dans le trou du fourneau.

Doit-on mettre des pommes de terre dans la bouillabaisse ? Non pour les Marseillais, si pour les Toulonnais, répond le Dr raoulx. La bouillabaisse que mangent les pêcheurs sur la fauco comprend des pommes de terre pour étoffer le plat et garnir l'es­tomac. Ainsi, les amateurs se divisent en 2 camps, dont la frontière sépare du nord au sud le golfe de Tauroentum, comme la bataille de Pompée contre César... Aux salins d'Hyères et de Camargue, où abondent le poisson blanc et les anguilles, poursuit notre auteur, on mêle dans la bouillabaisse mulet, maquereau, anguilles avec oignons, fèves fraîches, pois frais, mais pas de tomate ni de pommes de terre.

A Paris, hélas, écrit un culinographe de la fin du XIXe siècle, Paul alexis, on est obligé de remplacer les favouilles (petits crabes) par des moules, les rascasses et les canadellespar une modeste langouste, et ainsi de suite...

Ce texte permet de lever l'ambiguïté que soulève l'inclusion de la langouste dans la bouillabaisse, objet de discussions récentes ; sans doute a-t-on oublié que celle-ci était peu appréciée autrefois et, souvent laissée pour compte. Elle était abandonnée aux pêcheurs qui la mettaient dans leur soupe.12 On tenta de remplacer la langouste par des cigales de mer (scyllarus arctus, chambri en provençal) petit crustacé médi­terranéen qui tient de la cigale par la forme de la tête et dont la chair est considérée par les Provençaux comme plus fine que la langouste elle-même. Las ! elle a disparu à son tour.

- Dépouiller les poissons de leurs écailles et nageoires, les laver avec de l'eau de mer ; les tailler ensuite en tronçons.

— Faire roussir avec de l'huile dans une casserole un oignon, 4 ou 5 gousses d'ail, une pincée de persil, 1 ou 2 tomates dépouillées de leur peau et graines, le tout haché grossièrement 3 minutes suffisent pour que l'huile prenne tous les parfums de tous ces aromates.

- Mettre les tronçons de poissons dans la casserole et les couvrir d'eau bouillante ; ajouter sel, poivre, 1 feuille de laurier, un léger bouquet de som­mités de fenouil et le safran. On fait garde que le poisson ne s'attrappe pas au fond de la casserole : pour cela, on la remue de temps en temps.

— On déguste ensuite, pour s'assurer si elle est d'un bon sel ; on peut y ajou­ter du poivre de Cayenne, mais modérément. La bouillabaisse est cuite lors-qu 'elle est légèrement liée par le mélange de l'huile avec l'eau opéré pendant l'ébullition. Alors, on verse dans un plat le poisson et dans un autre plat le bouillon sur des tranches de pain. On sert de suite car ce mets, moins que tout autre, ne supporte pas de retard.

nda : Alexandre dumas, qui publie également dans son Grand Dictionnaire de Cuisine la recette de M. roubion, ne manque pas d'inclure parmi les aromates le morceau d'écorce d'orange séchée : faut-il penser que Marius morard l'a involontairement oublié ?13

Comme on le voit, cette recette classique est très simple. Pourtant elle ne fait pas l'unanimité : beaucoup d'amateurs en effet préconisent la confection d'un coulis, préparé à partir de petits poissons ou de têtes qui ne seront pas servies et dans lequel le bon poisson sera poché. C'était la position de Joseph méry :

...Donc, avant le poème, il faut d'abord qu'on fasse

Un coulis sérieux, en guise de préface,

Et quel coulis ! Il faut que le menu fretin

De cent petits poissons, recueillis le matin,

Distille avec lenteur, sur un feu sans fumée,

Le liquide trésor d'une sauce embaumée ;

Ce qui soulève les protestations d'Austin de croze : erreur, s'écrie-t-il, ce consommé savant de menu fretin avec lequel on mouille parfois le poisson ! Hérésie culinaire, le vin blanc dans la bouillabaisse, mais il est indispensable toutefois pour l'arroser à table !

Chaque marmiton, bougonne Jules belleudi, a la prétention d'améliorer la bouillabaisse, comme si le chef-d'œuvre se perfectionnait ! Il y a des chefs-d'œuvre arrivés à un tel degré que la moindre retouche risque de tout gâter. C'est en matière culinaire surtout que la tradition est éminemment respectable. Que l'on crée, que l'on innove si l'on peut, qu 'à des menus antiques on prête des noms modernes, qu 'on donne des noms de héros à des sauces cruelles, tant qu 'on voudra. Mais que d'im­prudentes mains ne touchent pas à la bouillabaisse : elle est sacrée, elle fait partie de notre histoire. C'est la fleur de notre civilisation !

Ce même belleudi, illustre lipet marseillais, qui entonnait ainsi le chant de la bouillabaisse sur un rythme d'alexandrins, et qui, tenant la fourchette haute aux meilleures tables provençales entre les deux dernières guerres, provoqua (presque i en duel Jules charles-roux à propos du genre de la bouillabaisse (le terme bouiabaissa est masculin en provençal) ; ils étaient aussi en désaccord sur l'introduction àapichoun marlus doùpalangre, que charles-roux jugeait fin et délectable. Je lui concédai, conclut belleudi, l'ajout d'un petit merlan, à condition qu'il fût jeté plus tard dans le poêlon parce qu 'il lui faut moins de temps pour cuire. Mais je maintins qu'on devait dire en français la bouillabaisse.

L'emphase d'Alexandre dumas, rejointe par celle de Jules belleudi et de bien d'autres, ne pouvait que susciter la moquerie, même de la part des Provençaux, ceux qui racontaient la vieille histoire de la bouillabaisse de pierres : lorsque nous étions enfants, se souvient le Dr raoulx, on racontait que, quand la pêche était mauvaise, les pêcheurs ramassaient quelques pierres couvertes d'algues qu'ils faisaient cuire, trempant ainsi leur soupe.

Une légende que seul, l'espiègle Paul arène pouvait transformer en un conte délicieux :

La bouillabaisse de pierres

Brancaï choisit tout simplement deux galets, de ces galets du bord que le flot lave, tout encroûtés de fleurs de sel, de mousse gluante et d'écume. Il me les donna à flairer. Une odeur, mon bon, un fumet.'... De quoi aromatiser aux, parfums marins la grande marmite des Invalides. Je compris : dans cette anse où nous n 'avions rien pris, il y a tant de poissons que les pierres elles-mêmes en gardent le goût, et c 'est avec ces deux pierres-là, succulentes et savou­reuses, que le corailleur allait nous faire la bouillabaisse.

— Fut-elle bonne au moins ?

— A revenir un mort, et souple, et grasse, et colorée. L'eau m'en vient aux dents rien que d'y penser. Nous nous battions pour avoir les tranches.

Et les deux galets ?

— Brancaï les servit à part, sur le plat à poisson, selon l'usage. Seulement, personne n 'y toucha. Chacun sait que les tranches accaparent tout le bon suc, et il faut être Parisien, quand on mange la bouillabaisse, pour ne pas jeter le poisson.