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4 Mai 2024

Episode 1, Passe de Dumbéa lundi matin

Aujourd’hui, c’est Lundi. Les gens normaux se précipitent pour retourner à leur bureau, moi le premier. Mais il fait beau et surtout il n’y a pas un souffle de vent de prévu, ce qui est plutôt rare. De plus, Thierry a promis une sortie à la passe de Dumbéa en partant de la pointe Chaleix, que j’admire depuis mon balcon.  Alors je décide de prendre ma matinée pour aller plonger. Les lundis au soleil, cela fait partie des petits bonheurs de ceux qui travaillent. Encore faut-il savoir les saisir au vol.

Mise à l’eau à sept heures, c’est presque la grasse matinée pour moi qui part normalement à 6h30. Organisation militaire oblige, nous mettons les gaz pour embouquer la pointe à 7h05 et comme la mer est lisse, on accélère. Je savoure le bateau presque vide (cela change du weekend end), la traversée du lagon en longeant l’ilot maître puis la sèche croissant. Nous voilà vite rendu à la passe de Dumbéa.

Mon binôme sera Hinde. Elle ne consomme pas trop et a le coup de palme des marathoniens, donc pas de souci. Thierry hésite un peu: courant entrant ou courant sortant? Finalement sur un coup de dés ou après une longue réflexion bien mûrie (nul ne le saura jamais), il prend la très bonne décision de nous jeter sur l’extérieur. Impatient de nous mettre à l’eau, nous nous immergeons dès l’arrêt du moteur sur un fond de 15 mètres.

L’eau est très claire. Il n’y a aucun courant. Alors comme j’aime bien le bleu et que j’adore « voler », je décide d’aller vers le milieu de la passe plutôt que de coller au récif. L’œil aux aguets, je scrute le bleu dans l’espoir de voir… que sais je? C’est bien là le plaisir de la plongée, la surprise! Par réflexe, je me retourne pour surveiller si Hinde arrive à suivre et là je reste saisi.

Puis je me mets à crier en faisant signe à Hinde de regarder derrière: une escouade de requins en formation très légèrement au dessus de nous. Sur deux ou trois niveaux et très étalés dans le sens de la largeur, ce sont des MARTEAUX!!! Hinde se retourne et se rapproche... Un peu d'angoisse? Le banc se rapproche, se sépare pour passer de chaque côté de nous. Je commence à compter celui de droite, je suis arrivé à 22. Il devait y en avoir une dizaine de l'autre côté. Je crois voir un gris au milieu, légèrement plus petit. Ils nous contournent donc et puis s’éloignent dans le bleu sans nous prêter attention. Bientôt, trop tôt, ils ont disparu.

Adrénaline, euphorie et frustration se succèdent rapidement. Oui, c’est aussi frustrant. Car même avec cinquante mètres de visibilité, c'est comme voir le tour de France passer alors qu'on est au bord de la route. Quelques secondes trop vite terminées. On a beau essayer de se rattraper en surface, en racontant encore et encore notre histoire. Même si à chaque fois, on se retrouve le sourire aux lèvres, il n’y a pas de retour en arrière possible. 

Thierry me dit qu’il s’agit du petit requin marteau, car le grand requin marteau est solitaire. Et que c’est la première fois qu’il entend dire que des plongeurs ont vu de tel bancs en Nouvelle Calédonie. J'ai donc eu un coup de chance extraordinaire.

Episode 2, Passe de Ouano

La safari-plongée de ce mois de mars sera à Ouano, ainsi Thierry en a décidé. Le Ouano surf camp vient de rouvrir, ce n’est qu’à 1h30 de route de Nouméa aussi il faut en profiter. C’est ma fois un très bon choix. Juste au bord de l’eau dans une baie relativement protégée avec quand même un souffle de vent pour ne pas mourir de chaleur, l’endroit est très sympathique. Il y a bien quelques moustiques un peu voraces, mais il suffit de s’installer à côté d’une peau plus sucrée pour être tranquille.

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Help, marée basse !

La passe de Ounao est marquée par l’épave d’un Ever prosperity. Je dis un, car il y a deux épaves identiques d’Ever prosperity sur les récifs extérieurs dans le Sud. Il s’agit d’un type de bateau construit en série pendant la seconde guerre mondiale. Le même capitaine semble les avoir échoués pour toucher l’assurance.

« Pour la seconde plongée, je vous larguerai sur le site de la petite caraïbe. Nagez droit vers le récif et essayez de le contourner, récif main droite. Rémi tu seras avec Gaëlle ».

Oui chef, bien chef. Je propose d’aller exactement du côté opposé afin d’une part de ne pas plonger en palanquée de 20 plongeurs (le meilleur moyen d’écarter toute vie dans un rayon de 200 mètres) et aussi parce que j’ai l’espoir de retrouver le tombant de la passe. On croise un grand serpent noir (Aipysurus Laevis) qui se laisse approcher. Mais rien n’y fait. Le fond reste peu profond, bien poli avec quelques coraux en très bon état, signe de fort courant bien que ce ne soit pas le cas aujourd’hui. Je décide de revenir en arrière.

Nous trouvons un sable très blanc, avec des formations rocheuses isolées et quelques patates de coraux. Et une petite raie manta (manta de récif, je crois) qui se fait nettoyer la bouche ouverte. Gaëlle a tout le temps de me prendre en photo : elle est si paisible et familière que nous lui tournons autour pendant plusieurs minutes sans l’effrayer. 

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Être au top

Au bout d’un moment, je fais signe à Gaëlle de me passer son appareil pour la prendre en photo à son tour. A peine m’a-t-elle tendu l’appareil que nous apercevons un grand requin marteau qui arrive droit sur notre trio. Par réflexe, j’appuie sur le bouton rouge: ce sera ma première photo sous marine en Nouvelle Calédonie.  J‘hésite à la partager, car j’entends d’ici les critiques :

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Fais pas ci, fais pas ça ..

« Pas terrible le cadrage, il manque la moitié de la raie et la moitié du requin… » «Aucune profondeur de champ, le marteau est flou, le focus est sur la raie manta… »« Oui, il n’a même pas réussi à caser son binôme entre le marteau et la raie manta, pas terrible pour l’ambiance… »    

Quand à la seconde, c’est à bout de souffle à la poursuite de ce diable de marteau que j’appuie sur le bouton rouge …

Caledonie4
Peut mieux faire …

« Pas terrible comme grain et il manque un bout de la queue … » « Il aurait pu mettre un filtre rouge pour la couleur … »

Bref, je ne me vois pas beaucoup d’avenir dans la photo. Mais, ce qu’il me reste, c’est que voir une manta en plongée, c’est rare. Voir un requin marteau, c’est très rare. Et alors les deux en même temps… Thierry me dit que c’est la première fois qu’il entend dire que des plongeurs ont pris une telle photo en Nouvelle-Calédonie. J'ai donc eu un coup de chance extraordinaire. Bon, je préfère m’arrêter là, car je sens que je commence à énerver.