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6 Mai 2024

Trois jours pour le week-end du 14 juillet. Cela fait des semaines que Marc nous a réservé la « plate en alu » de son ami Vincent pour une partie de « pêche, camping, plongée, exploration du Lagon Sud avec observation des baleines en prime ». Le chrono est lancé, je compte les jours. C’est censé être la dernière sortie de notre camarade Nico avant son départ définitif  en Zoreillie.

Malheureusement, plus la date approche, plus les nuages s’amoncellent. La météo excellente depuis début Juin vire à l’orange. Grains et rafales à plus de 35 nœuds promis par Météo France. Marc pense à annuler, surtout que Nico ne peut plus venir : il doit boucher les trous et repeindre les murs sa chambre avant de quitter la caserne … Je fais le forcing pour maintenir l’aventure, car rien de plus déprimant que de rester le week-end à ne rien faire!

Départ sous le soleil quand même le vendredi à 12h00. Cela ne commence pas trop péniblement et nous laisse le temps de préparer l’équipement de camping et celui de plongée. J’aurais bien amené ma canne de traîne durement gagnée lors du seul concours de pêche auquel j’ai participé, mais Vincent à tout ce qu’il faut paraît-il. Ce que je ne tarde pas à vérifier à l’embarquement. Six cannes de traîne avec des moulinets Shimano remplies de fils orange en harmonie avec les couleurs du bateau. Une panoplie de leurres de premier ordre pour la traîne, le jig ou le lancer. Six cannes de lancer. Et surtout une glacière monstrueuse que Vincent nous promet de remplir et qui contient encore des appâts congelés (sardine, aiguillettes).

 NlleCaledoPeche1Le bout du monde derrière les cannes

Une plate de 11 mètres sur 4 mètres avec deux moteurs de 275 CV et 550 litres d’essence, 25 nœuds en vitesse de croisière. Ce n’est pas ce week-end que nous allons gagner des points pour le climat. Comme le veut l’usage local, la plate est en aluminium. Il vaut mieux semble t’il car le lagon Sud est un véritable champ de mines constituées de patates de corail. Celles-ci remontent brusquement d’un fond de 30 mètres à presque zéro sans crier gare. Il vaut mieux avoir l’œil pour déceler la subtile tache brune qui les trahit en surface.  Et sans soleil ou avec le soleil de face, il n’est pas facile de les voir, même avec des lunettes polarisantes. Heureusement, Vincent connait ce labyrinthe non hydrographié comme sa poche. Et l’alu pardonne sans doute quelques erreurs.

C’est la saison des Wahoos, nous assure Vincent. Alors dès la sortie de la passe de Mato, les six cannes sont à l’eau. Et nous voilà descendant lentement vers le grand Sud, le long du récif. Pour des heures de traine en direction de la passe de Kuaré. Les Wahoos promis se font attendre et puis finalement ne seront pas au rendez vous. Nous sommes bien obligés de remonter les cannes pour arriver juste avant le coucher du soleil à l’ilot Teré. C’est parmi les îlots accessibles le plus au sud : il nous servira de base pour l’exploration de la corne Sud. Juste le temps d’installer les tentes, d’allumer le feu de camp et de sortir une bière pour le soleil couchant.

Vincent prépare le filet de carangue « goute d’or» qu’il avait emmené avec une marinade de gingembre, tomate, ail et huile d’olive. Un serpent tricot rayé se rapproche, je ne sais pas si c’est la chaleur du feu de camp ou l’odeur de la cuisson à l’unilatéral de notre filet de carangue qui l’attire. Mais allongés sur des grandes nattes à observer la voie lactée, je comprends sans peine qu’il veuille s’inviter à notre campement.

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Camping sur l’ilot Teré

Les pêcheurs se réveillent avant l’aube. C’est un peu dur mais là encore le feu de camp nous redonne un peu le moral. Il en faut, car il y a eu quelques pluies la nuit et le ciel est un peu chargé. Ce sera la journée « poppers » du nom des  leurres que l’on lance à 30 à 40 mètres près d’une patate et que l’on ramène rapidement vers le bateau. Leur forme à la traction entraine une pluie de gouttelettes et ils progressent par petits bonds. C’est censé rendre les poissons prédateurs fous. Et ma fois avec persévérance, cela marche : la glacière se remplit de thazards, de carangues à queue jaune et autres loches castex ou mère loche. La plus belle à mon goût est la loche bleue. Les animaux bleus sont plutôt rares et celles-ci avec son subtile bleu porcelaine est magnifique.

 

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Loche bleue prise avec un popper

J’abandonne mes camarades à leur coup de pêche pour une plongée autour du récif. C’est vraiment un privilège de plonger dans ces coins inexplorés. Pas trop rassuré, je regarde parfois derrière moi pour voir si je ne suis pas suivi. Et bien m’en a pris, car un long serpent vert olive me suit en nageant avec de grandes ondulations. Il me faut palmer avec énergie pour le semer mais j’y arrive. Il paraît qu’ils ne sont pas agressifs, en tout cas ils sont curieux et persistants. Je découvre une immense patate recouverte d’un manteau de sardines et quelques loches et carangues variées à l’affut. Ce sont ces poissons que mes camarades cherchent à attraper avec leur poppers.

En jouant avec la marée et en évitant au mieux les grains, nous arrivons en vue de l’épave de l’Enton qui symbolise l’entrée dans l’extrême Sud du lagon et git sur le récif comme un avertissement au navigateur imprudent. Le pauvre navire serait grimpé en 1931 sur le récif à plus de 12 nœuds confondant le phare du cap Ndoua avec le phare Amedé. Puis de patate en patate, traversant un platier à marée haute avec quelques centimètres à peine sous l’hélice, notre quête de poisson nous amènera jusqu’à l’extrémité de la corne Sud, le récif Ngedembi.

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L’Enton, amer marquant le début de l’extrême Sud du lagon

 Cette fois la glacière est presque pleine et nous avons l’embarras du choix pour la grillade du soir. Vincent s’empare d’un thazard qu’il vide et prépare en darnes de bonne taille, sur la plage de l’ilot Teré. Miracle du lagon, à peine les tripes jetées à l’eau qu’apparaissent deux petits requins citron et un pointe noire. Alors Vincent attache solidement la tête du thazard à un bout et la jette à l’eau. Il ne faut pas attendre bien longtemps pour qu’un des citrons s’en empare. Il ne la lâchera plus, même quand nous le tirons sur la plage. Devant un appétit si féroce, nous le repoussons à l’eau. Après tout il l’a bien mérité son repas. Et nous le notre !

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Requin citron vorace.

Encore une dernière plongée dans la passe de l’Enton, mais je n’en dit pas plus pour ne pas faire peur aux parents. Une dernière matinée de pêche au lancer où nous finissons de remplir la glacière dans un vent montant parfois jusqu’à 35 nœuds avant les grains. Que c’est agréable d’avoir un bon ciré. Même si la température reste correcte, c’est quand même l’hiver ici. Et puis après une dernière sieste sur Teré, c’est le retour au surf à 25 nœuds avec le vent et les vagues dans le dos pour uen arrivée au coucher du soleil au Bout du monde. Fracassés mais contents!

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La corne Sud : Ilot Teré et l’Enton