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7 Mai 2024

Acte 1 Les  Pléiades du Nord

« C’est la croisière de l’année 2017 », nous prévient Thierry, toute à la fois notre Directeur de Plongée et Gentil Organisateur. « Il faut un chef » répète t’il souvent, « alors je m’en charge ». Comme c’est toujours bien présenté et très efficace, les talons claquent. Christine fera les courses du bord (deux caddies pour neuf jours !), Hinde mitonnera le tagine marocain de sa grand-mère, Stéphanie un Hachis Parmentier fait maison et Vincent propose les lasagnes de son épouse dévouée. Je m’inscris également pour quelques gamelles. Comme l’on nous promet une pêche fructueuse pour le complément, j’embarque également crème, citron, thym et papier aluminium pour des papillotes d’anthologie. 

Notre skipper Stéphane est le seul à proposer des croisières de plongées dans des coins aussi perdus. Depuis dix neuf ans qu’il les pratique, c’est le seul à pouvoir guider notre bande de plongeurs vers ces mouillages perdus au Nord d’Ouvéa et nous amener sur les meilleurs sites, les plus fréquentés et à la meilleure heure. Un savoir faire très précieux qu’il partage bien volontiers en grand professionnel.

Nous embarquons à l’aube samedi matin tout notre barda dans le Bahia 46. Nous sommes huit au total, assez pour mettre l’ambiance et le bon nombre pour être carrément à l’aise dans les quatre cabines double. Les amarres sont vite lâchées et cap sur le Sud de la Grande Terre, que l’on doit contourner par le canal de Woodin puis celui de la Havana. Le passage est magnifique entre l’île Ouen au Sud et la baie de Prony au Nord.  Nous longeons le rivage à petite vitesse contre le courant. Il est parsemé de petites plages ombragées de cocotiers et dominées par le maquis, qui pousse sur la terre rouge vif des contreforts escarpés de la Grande Terre. Dommage que ces plages soient défendues par des récifs coralliens qui en compliquent l’accès.

Dans l’après midi du Dimanche, après 36 heures de mer, nous apercevons enfin Ouvéa. Nous empruntons le canal de Moulie et sans nous arrêter, nous continuons vers les Pléiades du Nord. Stéphane négocie adroitement la chicane entre les ilots de Jeuten et Angeu et mouille l’ancre dans un fonds de trois mètres. Premier mouillage paradisiaque parfaitement abrité de tous les vents, entre deux ilots peuplés surtout de roussettes (chauve souris frugivores) et de crabes de cocotiers.  

Levée à l’aube pour un plongeon dans l’eau turquoise. Un petit requin pointe noire s’enfuit mort de peur. Il suffit de quelques brasses pour rejoindre la minuscule plage de Jeuten. Je fais quelques pas dans la forêt de pandanus et cocotiers. C’est très étrange une forêt de Pandanus. J’aimerai bien surprendre une roussette mais rien à faire. J’abandonne les crabes et autres bernards l’hermite pour rejoindre mes camarades au petit déjeuner. 

RapalaNarquoisRapala narquois

Enfin les premières plongées. Les jumeaux, la passe du Taureaux …. A chaque fois des tombants vertigineux nous attendent. Il faut souvent se cacher du courant dans les passes en restant sous « la marche » pour ne pas se laisser entrainer. Et progresser à grands coups de palme vigoureux vers le milieu de la passe et le promontoire où les requins gris ont élu domicile. 35 mètres, pas le temps de s’attarder trop longtemps avec nos amis les gris. Puis c’est le retour vers le mouillage. Les paliers se font dans de magnifiques grottes de plusieurs salles défendues par des gorgones jaunes ou rouges vif. Les derniers mètres se font sur des coraux dont le soleil magnifie toutes les couleurs et qui sont habités de toute la panoplie des perroquets, des demoiselles et autres poissons papillons.

GorgonesJaunes
Gorgones jaunes

 

 Acte 2 Beautemps Beaupré

Après une dernière plongée sur les Pléiades du nord, nous mettons le cap sur le but ultime de notre croisière : Beautemps Beaupré.  Découvert par l'amiral Antoine Bruny d'Entrecasteaux en 1792, le nom du récif est donné en hommage à l'ingénieur hydrographe et géographe français Charles-François Beautemps-Beaupré, qui était à bord de son navire « La Recherche » et qui révolutionna la cartographie marine.

Et dans la suite de la petite histoire, une petite pensée aussi pour d’autres grands marins : Eric Tabarly qui affronta dans ces mêmes eaux en janvier 1968 le cyclone Brenda avec Kersauson et Alain Colas sur Pen Duick  III.

Aujourd’hui, Beautemps Beaupré est un ilot inhabité, si ce n’est par une colonie de fous, quelques frégates qui leur chipent leur pêche, une multitude de crabes et autres bernard l’hermite qui font bruisser les feuilles de cocotiers et de pandanus au fur et à mesure de notre ballade. Nous voyons également de nombreuses traces de pontes de tortues. C’est l’été ici, donc la saison de la ponte et des éclosions, que certains d’entre nous auront la chance d’observer. J’en vois quelques unes qui viennent respirer proche de la plage. Et aussi quelques pointes noires qui viennent m’observer dans ma baignade.

Tout cela mérite bien une coupe de champagne au coucher du soleil sur le pont avant du bateau. Tout le monde sourit sur la photo et à ce moment perdu au milieu du pacifique et à cette plage rien que pour nous. 

BullesABeautempsBeaupreBulles à Beautemps Beaupré

Acte 3 La corne Sud

Il n’est malheureusement pas possible de rester dans ce bout du monde. Aussi vient le temps d’entamer le long chemin du retour. Profitant d’une fenêtre météo favorable, cela veut dire 24h de pétole au lieu d’un fort alizée du sud est qui reste la norme dans ces eaux, nous levons l’ancre après une dernière plongée au Pléiade du nord.

Les conditions de navigation s’annoncent excellente lorsqu’apparait à l’horizon en fin de journée une masse impressionnante de nuages noirs. Stéphane décide de réduire la toile et de contourner ce qu’il décrit comme la cellule orageuse. Et en effet, nous ne tardons pas à nous retrouver dans la nuit noire sous un déluge tropical et une succession ininterrompue d’éclairs suivis de tonnerres. Visiblement la manœuvre de contournement n’est qu’un demi-succès et l’angoisse qui nous étreint est aussi palpable que la pluie diluvienne. La foudre nous encercle dans toutes les directions du compas. 

SuperbeVuDeLoinSuperbe vu de loin

Heureusement tout a une fin et après quelques éclairs bien trop proches au goût du capitaine et de l’équipage, nous finissons par nous extraire et reprendre le cap du canal de la Havana. Une nuit bien confortable à Port boisé et nous voici dans la partie du lagon qu’on appelle la corne sud. Il y a effectivement deux cornes au Sud de la Nouvelle-Calédonie, la première se termine par l’île des pins et l’autre est constituée d’ilots dispersés et délimitée par le récif extérieur. Dans la pointe, l’ilot Kuaré où nous prendrons nos quartiers. C’est aussi le nom de notre catamaran, c’est dire si le capitaine connait le coin et y est attaché !

Nous y ferons deux plongées exceptionnelles, les meilleures du séjour sans conteste. Dans une eau limpide due au courant rentrant et à midi, c'est-à-dire avec le meilleur éclairage, nous sommes lâchés  près de l’entrée de la passe de Ié puis celle de Kuaré. L’eau bouillonne en surface, les couleurs vues au travers de verre polarisant sont incroyables. A peine quelques coups de palme après la mise à l’eau et le courant nous entraine de plus en plus vite. 

TuVeuxMaPhoto Tu veux ma photo? 

Il faut s’accrocher au fond et des deux mains pour tenter d’arrêter le film. Et les acteurs sont multiples. Tout d’abord à l’entrée, on voit un  banc de gris mélangé à un banc de barracudas, un thon dent de chien qui nage sans effort à contre courant puis un thazar curieux. Au milieu de la passe, nous apercevons un champ de somptueuses gorgones vertes qui laissent place vers le milieu de la passe à un sol nu et érodé par le courant. Les poissons changent, ce sont maintenant des bancs de vivaneaux rouges que les calédoniens appellent anglais. Des mérous marbrés de grosses tailles se sauvent dans leur trou à notre approche. Et puis voilà déjà la sortie de la passe : nous nous retrouvons sur un banc de sables au milieu de quelques grosses patates de corail qui concentrent des bancs de lutjans jaunes, des perroquets et des myriades de demoiselles.    

TuMePrendsPourUnClown Tu me prends pour un clown? 

Nous faisons nos adieux à la passe de Kuaré avec la ferme intention d’y revenir. De toute façon, il n’y a plus rien à manger. Nous avons trainé nos leurres sans succès pendant des centaines de mille et la crème que j’avais amené termine dans un délicieux gratin de courge confectionné par Vincent …

C’est le dernier bord avec enfin un vent portant. Le coucher de soleil est magnifique avec une palette reprenant toutes les couleurs  du jaune au violet en passant par toutes les nuances d’orange et de rouge. L’arrivée sur Nouméa se fera de nuit et c’est la magie d’un à peine arrivé au port, aussitôt chez soi, car la ville est si petite.

DemainAuBoulot Demain au boulot …

Commentaires  
Dur dur le boulot ?..j'espère que tu n'est pas trop fatigué ! bises