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2 Mai 2024

C’était le jour de son anniversaire. Il allait avoir cinquante-sept ans et certainement dépassé l’âge de raison depuis des années. Pourtant, il se demandait encore comment il avait bien pu faire pour se retrouver coincé là, dans cette case en banco délabrée qui faisait office de prison, du côté angolais de l’Okavongo. Il fallait vraiment en tenir une sacrée couche. Tout cela pour un pari stupide, sans enjeu et avec lui-même qui plus est. Pour être franc, il avait surtout cédé à une irrépressible pulsion de satisfaire sa curiosité, à l'envie impérieuse d'aller voir ce qui se cache là où c’est interdit …

Maintenant, voilà le résultat : il se voyait réduit à compter les toiles d'araignée du toit de roseaux d'une de ces minuscules cases traditionnelles. Elles avaient l'air si jolies depuis l'autre côté de l'Okavongo, fleuve frontière entre la Namibie et l’Angola. La case prison était coincée entre des arbres géants, semblables à des mimosas, couverts de grappes de fleurs pas tout à fait comme les boules jaunes auxquelles il était habitué, mais plutôt allongées et blanches. Ces maisons miniatures, de bois et de terre rouge, étaient pour lui l'incarnation d'une Afrique qui disparaît, celle du pilon et des pirogues de bois fouillées.

Le côté angolais n’était pas foncièrement différent du côté namibien, mais quand même. Ici les routes étaient bitumées, bordées de lignes électriques ou téléphoniques. Les toits étaient en tôles, la grande majorité des maisons en béton ou en parpaing, avec très souvent une voiture garée devant. Les maraîchers irriguaient avec de bruyantes moto-pompes leur champ de choux, d'oignons et de tomates clôturé de grillage. Alors que de l'autre côté du fleuve, il pouvait observer à la jumelle les femmes ramener leurs bidons d'eau en équilibre sur la tête. Parfois la corvée se faisait avec une charrette tirée par deux bœufs. Les troupeaux de bétail étaient ramenés le soir par des enfants montés à cru sur des ânes gris qu'ils faisaient trotter à petit pas rapides en agitant une branche près de leur tête. Les champs minuscules étaient clôturés d'épineux. Il fallait creuser un puits au milieu pour arroser à l'aide d'un saut quelques légumes épars qui permettraient à la famille de subsister.

Le plus intriguant était l'absence de lumière électrique la nuit, juste des feux mystérieusement éparpillés çà et là sur la colline. Dans le noir, seul parvenait le son des rires accompagnant une musique traditionnelle des pays africains lusophones d'un transistor à piles. Que pouvait-il bien se passer autour de ces feux ? Franchir le fleuve apparaissait comme une opportunité de voyager dans le temps, la possibilité en quelques mètres de rejoindre une Afrique rurale d’il y a cinquante ans.

La curiosité est un vilain défaut, se répétait-il en boucle, en regardant la portion misérable de bouillie de farine de maïs que lui avait amené Tozé. C’était l'un des aides de camp du Comandante Agua. Il était tout sourire dans son T-shirt déchiré et ses baskets montantes bicolores. Elles auraient pu faire impression dans un lieu branché de New York, mais ici ? Surtout que la gauche était percée par son gros orteil.

Le garçon était sympathique : « Tu sais le comandante, il est pas méchant. C'est juste qu'il s'ennuie loin de sa famille et qu'il boit l'après midi. Il ne peut pas se passer de l'alcool. Il boit tous les après-midis jusqu'à perdre conscience. »

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La journée avait plutôt bien commencé. Août, c'est l'hiver dans cet hémisphère austral. Si l'on transpirait en short et T-shirt les après-midis, les nuits étaient fraîches. Pourtant, dans sa tente deux secondes, allongé sur son matelas gonflable, la tête sur un petit oreiller piqué à Air France et surtout bien enroulé dans un confortable duvet tout de plumes, il oubliait son âge et dormait comme un bébé. Les esprits chagrins ou envieux diront qu'il avait fui les réalités, abandonné ses responsabilités en Europe. Ils ont bien sûr raison. Mais le résultat était là : son souci principal était maintenant d'avoir chaud la nuit, puis de ne pas trop souffrir du froid au lever. Comme inévitablement le soleil finissait toujours par se lever et le libérer de cette minuscule angoisse matinale, la vie était belle.

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Au besoin, s’il avait trop froid, il démarrait un petit feu de camp, tout en mettant l'eau à bouillir sur son réchaud à gaz. Rien de tel qu'une cafetière à piston en brousse : deux cuillères à soupe d'arabica, un litre d'eau bouillante et le thermos était rempli pour la matinée. Il suffisait alors de patienter en sirotant un café sucré que la température remonte … Cela pouvait prendre un peu de temps, c'est certain. Mais comme il n'avait rien de particulier à faire que de continuer à rêvasser en regardant les flammes. Feu de camp, feu de joie, cela faisait deux ans qu'il en était privé ! Alors qu’il considérait cela comme un des plus grands plaisirs de la vie.

Le plus intense moment de concentration de sa matinée arrivait après : celui où il devait griller deux toasts en essayant de ne pas les brûler sur la flamme. Il aurait pu manger son pain tel quel, mais il trouvait cela ludique. Avec une tasse de café chaud, une tartine grillée accompagnée d'un peu de miel de mangrove, la porte du Paradis s’était ouverte. Ni beurre, ni confiture, la tartine ne pouvait tomber que du bon côté !

Enfin, c'est ce qu'il croyait tout en observant le comandante, déjà passablement éméché à cette heure, les yeux injectés de sang, esquisser quelques pas de danses sur un air de Zouk. Il voulait savoir ce qui se passait du côté angolais. Eh bien voilà, sa curiosité aura au moins été satisfaite. Un vieux soldat devenu commandant d'un poste de Police miteux dansait saoul, pleurant et rigolant tout à la fois la mort de son chef, le dictateur Eduardo José dos Santos, et son éloignement dans cette frontière qui ne voyait aucun trafic.

« Tu sais bien que tu n'as pas le droit d'être là sans un visa ? Alors pourquoi donc traverser la rivière ? C’est tellement mieux de l'autre côté ! »

    ****

Cela lui avait pourtant semblé une idée lumineuse. Comme une évidence après deux tasses de café brûlant. Ne rien faire n'est pas une option viable sur le long terme. Il fallait trouver à s'occuper. Lire la biographie de Henry Morton Stanley ou écouter un podcast sur Blaise Cendrars pouvait agréablement faire passer une heure ou deux. Mais il arrivait toujours un moment où l'envie d'être actif le prenait. Il lui fallait alors marcher le long du fleuve, grimper la colline voisine, aller voir ce que les mamies pouvaient vendre au marché, cuisiner ces curieux champignons séchés ou ces graines de millets … c'était selon l'humeur et l'inspiration.

Et justement, l'Angola, à quelques dizaines de mètres de l'autre côté de l'Okavongo, l'intriguait. Toutes ces pirogues creusées dans un tronc unique et remontées sur la berge à côté de lui le narguaient. Il se leva pour aller les examiner de plus près. C'était un travail grossier, fait à l'herminette semblait'il. Même les pagaies uniques semblaient rudimentaires : de simples pieux dont on aurait sommairement aplati au couteau une extrémité pour en faire une rame. En tout cas, c'était du lourd et du solide, du bois massif.

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Alors il se dirigea vers le propriétaire du lodge où il campait avec ses amis, pour demander s’il pouvait emprunter un esquif. Hannes était tout occupé à construire un nouveau ponton pour son bateau à moteur, afin d'embarquer plus facilement les touristes pas toujours équilibrés sur l'eau. Il interrompit son travail de soudure et remonta la visière protectrice de son casque, découvrant une large moustache et deux yeux bleus intenses et pétillants de bonne humeur.

Oui bien entendu, c'était possible, confirma-t'il. Cependant, il ne pourrait utiliser sans contrepartie un Mokoro, car c'est ainsi que l'on appelle une pirogue en langue locale. Il lui faudrait louer ou emprunter celui de son gardien chef par exemple, contre un petit billet bien évidemment. Et attention à ne pas en profiter pour aller se baigner sinon ce crocodile qu'il montrait du doigt pourrait bien en profiter. Ou pire encore à l'hippopotame plus en aval, qui trouverait prétexte à se fâcher. Mais alors que restait-il donc à faire ? demanda t’il.

« Le mieux est de longer la berge vers l’amont. Ainsi tu pourras revenir plus facilement. Et puis qui sait, dit-il en clignant de l’œil, tu pourrais peut être croiser une jeune nymphe faisant sa toilette ? Ouvre les yeux ! Remonte le courant jusqu'au prochain coude. Là tu verras côté Angolais le poste frontière avec au milieu un grand poteau sur lequel pend un drapeau à moitié déchiré. C'est celui du poste frontière. Je leur ai offert il y a deux ans, mais ils n'ont jamais pris la peine de le descendre ... »

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   ***

Il avait donc suivi le gardien jusque dans sa concession en suivant un chemin de sable serpentant au milieu de vaches, moutons et chèvres. Le bétail était libre pendant la saison sèche. Le maïs et le millet avait été récoltés depuis longtemps. Alors il ne restait plus grand chose à voler. Les pauvres bêtes devaient se débrouiller avec le peu de végétation survivante, tournant autour des potagers bien défendus contre leur appétit par de denses barrières d'épineux.

L'aventure commença de manière plutôt inattendue. Le gardien attrapa deux bœufs pour les atteler. Le joug était un madrier que l'on posait sur leur dos, en avant de la bosse. La lourde pièce de bois percée au niveau des épaules permettait d'enfiler quatre longues chevilles encadrant les deux têtes. Ainsi parée, la paire de bœuf pouvait tracter la lourde pirogue de bois qu'il aurait été difficile de soulever, même à deux.

L'attelage emprunta ensuite le même chemin de sable tirant le Mokoro comme un singulier traîneau jusqu'à la berge. L'engin enfin à flot, il ne lui restait plus qu'à embarquer. Les débuts furent difficiles. La pirogue avait la courbure du tronc. Elle semblait vouloir dévier sur la droite, quoi qu'il fasse avec son unique pagaie. Malgré l'instabilité du flotteur, il se mit debout pour l'utiliser comme un paddle, ramant d'un côté puis de l'autre.

Il prit suffisamment confiance pour progresser. Il put enfin commencer à lever la tête et regarder autour de lui. Hannes avait raison. Deux jeunes filles dans le plus simple appareil le narguaient, hilares. Il continua en détournant le regard, rougissant, fixant volontairement le mat du poste de douane paré de son drapeau déchiré.

« Attention, lui crièrent t'elles depuis la berge, le Comandante Agua pourrait bien t'emprisonner toi aussi ! »

    ****

L'aventure prenait un tour qui lui plaisait. Il prenait peu à peu de l’assurance. Les encouragements des jeunes filles ne lui étaient pas indifférents. Insensiblement, son sourire s'élargissait. Il était convaincu à ce moment d'avoir été bien inspiré. Alors il essayait de ne pas perdre une miette du spectacle qui lui était offert.

Un guêpier multicolore s'agitait au gré d'une légère brise, agrippé à une branche minuscule. Quelques mouvements de la queue lui permettaient de garder sans effort son équilibre. Il aurait bien aimé avoir une telle aisance sur son Mokoro. Mais visiblement il lui manquait encore quelques années de pratique. Enfin, il ne se débrouillait plutôt pas mal selon son jugement.

Il aperçut soudain comme une tête sortir de l'eau, puis disparaître à nouveau sous la surface. C'était si rapide. Peut-être une tortue ? De nouveau, une tête, puis deux émergèrent. Des loutres, cette fois il était sûr de son observation. La rivière devait être poissonneuse. Dommage qu'il n’eût pas de canne à pêche pour tenter sa chance. Une idée pour s’occuper le lendemain, pourquoi pas ?

En attendant, il avait fini par atteindre laborieusement son objectif, pourtant pas si éloigné de son point de départ. Mais avec le vent et le courant contre s'ajoutant à son manque d'expérience et à diverses distractions, cela lui avait pris une bonne heure d'efforts maladroits. Il était maintenant arrivé à une petite plage encombrée de nombreux Mokoros. Assis à une extrémité de l'un d'entre eux, Tozé, avec sa basquette gauche trouée bien en vue et son orteil au vent, semblait pêcher pour tuer le temps.

« Bonjour Muzungu. Tu es certain de vouloir descendre ? Tu sais, c'est l'Angola et ici, c'est le poste de Police. Le Comandante pourrait bien te mettre en prison ! »

    ****

Sans même une hésitation, il sauta sur le sable. La longue traversée du fleuve lui avait permis de peaufiner son plan. Le mieux, pensait-il, était de débarquer au poste de Police. Bien entendu, il n'avait pas de visa. Mais que pourrait on lui reprocher s'il débarquait aux yeux de tous, juste devant les autorités. Il n'aurait qu'à s'enquérir des formalités d'entrée. Et si celle-là lui était refusée, il repartirait.

Il parlait couramment Portugais. Sa question lui paraissait tout à fait légitime. Et s'il s'attendait évidemment à un refus, entre temps il aurait passé quelques instants en territoire angolais. C’était certainement un peu hypocrite, mais quoi ? A cet instant, son plan lui semblait simple et sans défaut. Sa maîtrise de la langue lui permettrait de s'en sortir, il en était convaincu. Aussi il ne fit pas grand cas des avertissements de Tozé, persuadé d'être le plus malin.

Avec autorité, il demanda à être escorté jusqu'au poste. Il voulait voir le Comandante. Tozé pris le temps d'attacher soigneusement sa ligne de pêche à une branche surplombant la rivière. Puis il le précéda vers la case la plus proche du mât surmonté du triste drapeau. Tozé frappa plusieurs fois violemment à la porte grand ouverte, pour couvrir le bruit de la musique Zouk qui s'en échappait. Pendant plusieurs minutes, personne ne semblait vouloir répondre.

C'est alors qu'apparut le Commandant, visiblement passablement irrité d'être ainsi dérangé dans son inactivité alcoolisée. Le plan dont il était si fier se fracassa dans l'instant. Sans même le laisser parler, tous les vaisseaux de ses yeux rougissants, il lui reprocha son absence de visa et sa présence en ce lieu.

« Tozé, enferme-moi ce muzungu immédiatement. Il pourra réfléchir à ce qu'est la souveraineté nationale ! »

    ****

Et voilà comment il était arrivé là, dans cette case surchauffée. Les mouches semblaient prendre grand plaisir à l'agacer pour boire la sueur qui lui coulait sur le visage. Il avait beau s'agiter pour essayer de les chasser, elles étaient bien plus tenaces que lui. Alors, de désespoir, il cacha son visage dans un morceau de drap déchiré qui traînait là. Il faisait encore plus chaud sous la toile et cela puait. Mais au moins il avait la consolation d’avoir triomphé d'une poignée de mouches.

Il finit par s'endormir, accablé de chaleur. Les heures passèrent. Les températures extrêmes de la mi-journée commencèrent à s'apaiser insensiblement. Il avait beau tourner le problème dans sa tête pour chercher une solution, tout effort lui paraissait vain. Sûrement ses amis s'étaient déjà rendu compte de son absence, Hannes savait qu'il était parti en Mokoro, le gardien s'inquiéterait de sa pirogue. C'était un mauvais moment à passer, un cauchemar qui bientôt se terminerait.

Un seau d'eau pas très propre avec une tasse en plastique attira son attention. Il s'arrosa un peu le visage pour se rafraîchir et finit par goûter l'eau pour tenter de calmer sa soif. Pouaaah ! Il recracha immédiatement la petite gorgée avalée. Quand soudain un léger grattement attira son attention. Par un interstice dans la paroi de banco déjà bien abîmée, il aperçut une des jeunes filles qui s’étaient gentiment moquées de lui.

« Tiens-toi prêt à t'évader ! Tes amis sont prévenus. Ils viendront pour le coucher du soleil avec Hannes et son bateau à proximité de la plage. A ce moment, Tozé viendra ouvrir la porte pour changer ton eau. Il faudra t'évader et courir jusqu'à la plage pour les rejoindre. »

    *****

S'évader ? En voilà une idée saugrenue. Il n'avait pour l'instant rien fait de vraiment mal. Il n'avait pas de visa, c’est vrai. Mais il n'était pas vraiment entré en Angola. Il était juste venu se renseigner sur la procédure. S'enfuir de prison, c'était autre chose. Il s'agissait là de se rebeller contre l'autorité.

Trop de pensées contradictoires le tourmentaient. C'était une folie. Mais d'un autre côté, sa libération pourrait prendre des jours, peut-être même des semaines. Les élections, la mort du Président, l'Angola avait sûrement mille autres chats à fouetter en ce moment que de se préoccuper d'un pauvre français prisonnier d'un commandant à moitié fou au fin fond de cette province, la plus éloignée de la capitale.

Et si l'on essayait de l'arrêter par tous les moyens ? Au minimum une bastonnade en bonne et due forme, voire un coup de machette dans les jambes ou même une balle plus ou moins mal ajustée? Non, c'était vraiment trop risqué. Mieux valait attendre sagement et patiemment que les choses se dénouent d'elles même. A ce moment de son raisonnement, la clé tourna deux fois dans la serrure. Tozé venait d’ouvrir la porte.

« Le commandant, il a dit qu’un saut d’eau devrait suffire pour aujourd’hui. Tu mangeras demain si Dieu le veut ...»

*****

Il fixa Tozé, frappé de stupeur. Il avait soif, il avait faim. Et si la situation durait une semaine, un mois ? Dans quel état serait-il ? Pourrait-il encore courir, nager, s’évader ?  Non. C’était maintenant qu’il fallait agir. Son regard fut une nouvelle fois attiré vers la paire de baskets montantes. Totalement inadaptée pour un tel climat.

Il comprenait bien que c’était surtout l’aspect imposant de ces chaussures et ces deux couleurs si voyantes qui avaient séduit Tozé. Lui-même était d’ailleurs hypnotisé. Et cet orteil qui s’échappait, libre lui, semblait le narguer. S’en était trop ! Il bondit du matelas. Il se saisit du le vieux seau d’eau croupie, toujours plein, et sans plus réfléchir l’écrasa sur le gros orteil de Tozé.

Puis il se mit à courir vers la plage, comme un dératé, sans même regarder autour de lui. La voie était libre. L’adrénaline l’avait envahi et ne le lâchait plus. Il sentait son cœur battre, le sang affluer au niveau de ses tempes. Sa respiration s’était brusquement accélérée. C’était facile de trouver son chemin : il suffisait de suivre le sentier qui descendait inévitablement vers la rivière. Emporté par son poids, il sauta un buisson. C’est à ce moment qu’il aperçut le bateau de Hannes. Alors il accéléra encore.

Le bateau de Hannes s’approchait lentement. C’était comme une sorte de ponton flottant, avec un large taud de soleil. Un seul moteur propulsait l’engin. Pas très marin ni bien rapide, pensa t’il. Mais, à cet endroit, l’Okavongo n’est qu’un fleuve tranquille. Une musique de Zouk s’échappait des enceintes. Il y avait quand même moyen d’être plus discret.

Il arriva enfin à la plage, hors d’haleine. Les deux mains sur les genoux, il essayait de reprendre son souffle un instant, avant de se jeter à l’eau. Une, deux inspirations et il leva à nouveau la tête. Le bateau n’était plus qu’à une dizaine de mètres du rivage. Il reconnut immédiatement Hannes au volant, ses deux amis qui lui faisaient de grand signe, le gardien propriétaire du Mokoro qui s’apprêtait à jeter l’ancre et l’autre des deux jeunes filles qui l’avaient fait rougir le matin.

Mais ce qu’il ne comprenait pas, c’était qu’au beau milieu de tout ce monde si joyeux se trouvait le comandante Agua. Cette apparition inattendue le pétrifia. Le comandante était cette fois hilare, même s’il esquissait toujours quelques pas de danse, avec cette fois deux bouteilles de champagne à la main.

«Joyeux anniversaire, camarade Turista !» lui hurla t’il entre deux gorgées.

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